APPELS A COMMUNICATIONS
Diplomates et diplomaties en révolution (XXe – XXIe s.)
Colloque, 19-20 mars 2026 (Nantes)
Date limite d’envoi des propositions : le 1er septembre 2025
Ce colloque vise à interroger la manière dont les acteurs diplomatiques – au sens large du terme – appréhendent les phénomènes révolutionnaires durant un long XXe siècle. Il s’inscrit dans une histoire sociale et culturelle de la diplomatie, de ses acteurs, de ses pratiques, de ses représentations, de ses valeurs et de ses interactions avec les sociétés en révolution. Les problématiques du colloque seront orientées selon deux grands axes : le premier axe portera sur les perceptions et les pratiques des acteurs diplomatiques et consulaires en poste à l’étranger, pendant leur mission, face à une situation révolutionnaire ; le second axe s’intéressera aux comportements politiques des acteurs diplomatiques qui représentent un pays en proie à un bouleversement révolutionnaire.
Argumentaire
Depuis une vingtaine d’années, l’histoire des révolutions et des mouvements révolutionnaires a connu un regain d’intérêt sous l’influence de l’histoire transnationale et de l’histoire globale. Elle s’est principalement intéressée aux circulations des acteurs, des émotions révolutionnaires, mais aussi des mots d’ordre et des répertoires d’action. La révolution, que nous pourrions sommairement définir comme un changement brusque qui vient bouleverser l’ordre politique et social d’un État à la suite du soulèvement d’une partie de sa population, n’est ainsi plus seulement appréhendée à une échelle nationale, mais bien à une échelle mondiale.
La réflexion renouvelée sur la dimension transnationale des révolutions peut servir de point de départ aux historiens et historiennes des relations internationales pour réexaminer les phénomènes révolutionnaires des XXe et XXIe siècles, qu’ils aboutissent ou non, depuis les vagues des années 1910-1920 (Chine, Mexique, Russie, Allemagne, Hongrie, Italie) jusqu’aux révolutions dites du « Printemps arabe » des années 2011 et suivantes, en passant par les « révolutions » – du moins qui s’affichent comme telles – fasciste et nazie de l’entre-deux-guerres, par la révolution cubaine et ses répercussions latino-américaines, les révolutions nationalistes arabes des années 1950-1960, les révolutions africaines des années 1960-1980, celles qui affectent l’Asie du Sud-Est durant la Guerre froide, ou encore la révolution islamique iranienne de 1979.
La question n’est pas nouvelle. Elle est depuis longtemps un objet d’études pour les politistes. Ces derniers ont principalement étudié la manière dont les mouvements révolutionnaires qui prennent le pouvoir entendent non seulement contester l’ordre politique et social dans leur pays, mais aussi l’ordre international et ses principes. Ils se sont intéressés tout à la fois à la mise en place d’une « diplomatie révolutionnaire » qui ambitionne de transformer le système international, mais aussi à la manière dont ce dernier réagit et cherche à canaliser les États en rébellion.
Ces travaux, qui offrent des pistes de réflexion utiles et pertinentes, ont néanmoins privilégié une approche « par le haut », largement stato-centrée et théorique, à l’égard de laquelle le présent colloque souhaite faire un pas de côté, en s’inscrivant résolument dans une histoire sociale et culturelle de la diplomatie, de ses acteurs, de ses pratiques, de ses représentations, de ses valeurs et de ses interactions avec les sociétés en révolution. Dans la lignée des travaux de Virginie Martin sur les agents diplomatiques français en Italie durant la Révolution française, nous souhaitons interroger la manière dont les acteurs diplomatiques – au sens large du terme – appréhendent les phénomènes révolutionnaires durant un long XXe siècle. Précisons que par « acteurs diplomatiques », nous entendons, outre les représentants officiels auprès des États et des organisations internationales, les consuls et agents consulaires, mais aussi les représentants officieux des mouvements révolutionnaires ainsi que tout acteur public ou privé qui se voit confier, explicitement ou non, une mission de politique étrangère.
C’est dans ces perspectives que nous souhaitons orienter les problématiques du colloque selon deux grands axes, qui pourront fournir matière aux contributions des intervenants.
- Le premier axe portera sur les perceptions et les pratiques des acteurs diplomatiques et consulaires en poste à l’étranger, pendant leur mission, face à une situation révolutionnaire.
Nous nous intéresserons en premier lieu aux représentations et aux émotions que l’événement suscite auprès des acteurs diplomatiques présents sur place. Comment ceux-ci perçoivent-ils les révolutions et les mouvements révolutionnaires ? Quels imaginaires convoquent-ils lorsqu’ils rendent compte des transformations profondes de l’ordre politique et social auxquelles ils assistent ? Ces représentations conditionnent-elles la reconnaissance ou la condamnation du régime révolutionnaire qui parvient au pouvoir ? Leur attitude face au contexte révolutionnaire est-elle en accord avec celle des organes centraux de la diplomatie dont ils dépendent ? Correspondent-elles avec la perception de leur administration centrale et des autres témoins de l’événement ? De façon plus générale, on pourra se demander si les diplomates, attachés à un système international avec lequel ils ont appris à composer et dont ils se considèrent souvent l’un des piliers, sont par nature hostiles à la révolution, ou si, dans certains cas et en fonction d’intérêts particuliers, ils peuvent être amenés à soutenir voire à participer à un mouvement révolutionnaire.
Nous serons également attentifs à la manière dont les diplomates, les consuls et leurs équipes gèrent sur le terrain les événements révolutionnaires, si ceux-ci ne provoquent pas la rupture des relations diplomatiques, voire une fuite généralisée du corps diplomatique en poste. Comment approcher, nouer et traiter de facto avec les nouvelles autorités qui accèdent au pouvoir ? Quelles relations tisser avec ceux qu’on a parfois pu diaboliser lorsqu’ils étaient opposants, et souvent dans la clandestinité ? Comment négocier avec un interlocuteur qui, dans certains cas, ambitionne de révolutionner la diplomatie et ses pratiques ? Quelles relations maintenir avec les contre-révolutionnaires ? Comment maintenir une forme de représentation dans un pays où la révolution a conduit à une rupture ? La question du rapport aux violences qui accompagnent souvent les processus révolutionnaires fera l’objet d’une attention particulière. Comment les diplomates qui en sont témoins – directement ou indirectement – les comprennent, les analysent et en rendent-ils compte ? En sont-ils eux-mêmes victimes ? La situation révolutionnaire modifie-t-elle, sur le terrain, le travail quotidien du diplomate, en particulier dans sa mission de protection des ressortissants et de leurs intérêts ? Quel impact a-t-elle sur les circuits de communication et sur la gestion de l’information ? quelles mesures sont-elles prises pour protéger les archives et les informations qu’elles contiennent ?
- Le second axe s’intéressera aux comportements politiques des acteurs diplomatiques qui représentent un pays en proie à un bouleversement révolutionnaire. Si l’exemple soviétique, bien connu, fournit déjà un certain nombre de réponses aux questionnements, il n’épuise pas le sujet.
Nous interrogerons d’abord l’attitude des agents en poste avant le changement de régime, ainsi qu’aux choix qui s’offrent à eux une fois le nouveau pouvoir établi : se rallier ? démissionner ? rejoindre un éventuel mouvement contre-révolutionnaire ? Il s’agira d’expliquer les différents facteurs qui président à ces choix (peur pour soi et pour ses intérêts, rejet du nouveau pouvoir, fidélité à l’État et aux intérêts nationaux qu’il faudrait préserver par-delà les changements de régimes, etc.). Nous serons aussi attentifs aux situations où les agents n’ont pas la possibilité de ce choix et passent sous les fourches caudines d’une épuration parfois radicale.
Les régimes révolutionnaires ont en effet pu avoir la prétention de révolutionner la diplomatie et ses pratiques, en se détachant des agents qui incarnaient l’ordre désormais révolu et en promouvant de nouveaux représentants. Il faudra dès lors d’étudier les reconfigurations des carrières diplomatiques et consulaires. Quels sont les profils privilégiés, les critères retenus ? S’agit-il de récompenser un engagement fidèle au service de la révolution ? De travailler à sa propagation internationale ? Privilégie-t-on au contraire une expertise, une expérience ou un savoir-faire diplomatique susceptible de rassurer les interlocuteurs étrangers afin de faire accepter le nouveau régime ? Ces reconfigurations s’effectuent-elles de façon brusque et massive ou au contraire de façon progressive et quasiment invisible, par étapes ou petites touches ? Le passage, dans le cadre de la décolonisation, de relations impériales à des relations diplomatiques, une fois l’indépendance acquise, pourra notamment faire l’objet d’études éclairantes, ainsi que la question de la professionnalisation de ces nouveaux venus, qui constituent parfois pour un pays une nouvelle génération de diplomates.
Enfin, dans le cas où de nouveaux profils émergent, ces derniers parviennent-ils à faire évoluer les pratiques diplomatiques, à défaut de les révolutionner ? En s’insérant dans un cadre dans lequel le respect des normes conditionne en grande partie la reconnaissance internationale, les diplomates de ces nouveaux régimes ne sont-ils pas contraints de se plier à l’ordre qu’ils prétendaient transformer ? Au sein du nouvel État révolutionnaire lui-même, l’administration diplomatique conserve-t-elle une marge de manœuvre ? En d’autres termes, l’institution a-t-elle toujours le dernier mot sur la révolution ?
Modalités de soumission
Les propositions de communication devront porter sur une ou plusieurs de ces thématiques. Elles pourront s’attacher à un acteur ou un groupe d’acteurs particuliers, ou privilégier une approche transversale et synthétique. Les interventions portant sur les diplomaties et les espaces extra-européens, ou qui mettront en évidence le rôle des femmes feront l’objet d’une attention particulière.
Les propositions de communication doivent être envoyées avant le lundi 1er septembre 2025 aux adresses suivantes : stanislas.jeannesson@univ-nantes.fr et nrousselot@univ-catholyon.fr,
Elles ne devront pas excéder une page et seront accompagnées d’un court CV. Les communications seront faites en français. Le colloque donnera lieu à une publication. Dans la mesure du possible, les frais de transport et d’hébergement des intervenants seront pris en charge.
Ce colloque reçoit le soutien du Centre de Recherches en histoire internationale et atlantique (Nantes Université) et bénéficie de l’appui du Ministère de l’Europe et des Affaires étrangères.