Les sources consulaires

Pour une histoire sociale et globale des relations internationales

Nantes, 3-7 juin 2024

Date limite d’envoi des propositions : avant le 15 novembre 2023

Cette école thématique envisage les sources consulaires dans toute leur diversité et sur la longue durée de leur production, dans une perspective croisant histoire des relations internationales, histoire sociale et histoire globale. Ce faisant, elle s’inscrit dans une dynamique scientifique qui a profondément renouvelé l’histoire de l’institution consulaire ces dernières décennies et à laquelle les organisateurs réunis au sein du réseau de recherches « La fabrique consulaire » ont pleinement pris part.

Les études consulaires, renouvelées dans les années 1990 par les grandes enquêtes prosopographiques menées en Espagne et en France par Jesús Pradells Nadal (1992) et Anne Mézin (1997), ou encore par les travaux de Christian Windler (2002), sont aujourd’hui l’objet d’un réel engouement dans le paysage académique européen. Les ouvrages collectifs coordonnés ces dernières années par Jörg Ulbert (2006 et 2010), Marcella Aglietti et alii (2013), Silvia Marzagalli (2015) et Arnaud Bartolomei et alii (2017) en témoignent et attestent de la vitalité d’un champ de recherche qui a su renouveler ses problématiques. Loin d’épuiser les questionnements relatifs à la fonction consulaire, ces ouvrages ont été autant d’incitations à approfondir l’analyse. Ils invitent à explorer, au-delà de la description des différents réseaux consulaires, le rôle que jouaient les consuls dans la circulation de l’information, dans la facilitation du commerce international ou encore dans l’affirmation de l’État moderne, souverain et bureaucratique. 

À la tête du réseau de recherches « La fabrique consulaire », qui réunit dans une dynamique commune quatre centres de recherche français (CMMC/Université Côte-d’Azur, CRHIA/Nantes Université, Framespa/Université Toulouse Jean-Jaurès et Temos/Université Bretagne Sud) ainsi que les Écoles françaises d’Athènes et de Rome et la Casa de Velázquez, les organisateurs de l’école thématique ont largement contribué à cette dynamique, en ouvrant de nouveaux champs d’études et questionnements autour de l’institution consulaire. Ils ont ainsi successivement placé la focale, au cours des précédentes rencontres qu’ils ont organisées, sur la chancellerie consulaire (Nantes, 2015), la réorganisation des services consulaires italiens dans le contexte du Risorgimento (Rome, 2016), la procédure de l’immatriculation consulaire (Madrid, 2017), la maison consulaire et la chapelle consulaire (Albi, 2019 et Paris, 2021), ou encore les tribunaux et juridictions consulaires (Hambourg, 2023). En marge de ces travaux relevant de l’histoire sociale des institutions, de nouveaux champs se sont ouverts : l’exploitation de plus en plus systématiques des archives consulaires rapatriées (qui en France sont conservées au Centre des Archives diplomatiques de Nantes) ouvre de nouvelles perspectives dans le domaine de l’histoire sociale des migrations européennes, alors que la mobilisation de fonds consulaires de pays extra-européens dessine les contours de ce que pourrait être une véritable histoire globale de l’institution consulaire.

Ce sont l’ensemble de ces perspectives que l’école thématique proposée entend mettre en dialogue, à la fois pour faire le point sur les profonds renouvellements historiographiques de ces vingt dernières années, pour accompagner les jeunes chercheurs et chercheuses qui souhaitent s’insérer dans ces nouvelles dynamiques, et pour poser les jalons de ce que sera l’histoire consulaire dans un futur proche. Dans cette optique, cinq thématiques ont plus précisément retenu notre attention et pourront faire l’objet de propositions de contribution de la part des candidates et des candidats :

1. L’institution consulaire dans les relations internationales : l’institution consulaire se trouve placée au cœur de plusieurs tendances qui ont renouvelé, ces dernières années, l’histoire des relations internationales. Les travaux consacrés au personnel consulaire s’inscrivent dans le prolongement d’une histoire sociale renouvelée des acteurs diplomatiques qu’ont impulsée, au début des années 2000, des historiens comme Lucien Bély, Christian Windler ou Éric Schnakenbourg, et dans le sillage desquels se sont inscrites plusieurs rencontres initiées par « La fabrique consulaire ». Mais les travaux actuels sur l’institution consulaire peuvent aussi être mis en dialogue avec les apports récents de la New Imperial History, qui questionnent l’organisation institutionnelle et relationnelle des empires formels, ou encore les logiques de fonctionnement des dominations impériales dites informelles et la construction de formes de régulation internationale pouvant être asymétriques, ou non.

2. Une histoire politique de l’institution consulaire : dans la lignée de l’ouvrage de Marcella Aglietti (2012), l’institution consulaire a aussi été conçue au cours de la décennie écoulée comme un instrument permettant de relire les phénomènes politiques plus généraux de formation des États-nations européens. Les processus de construction de l’État bureaucratique et de cristallisation des identités nationales ont notamment été au cœur des questionnements abordés lors des précédentes rencontres organisées par le programme « La fabrique consulaire ». Une attention renouvelée pourra notamment être accordée à une « histoire matérielle » de la formation des États-nations, attentives aux artefacts de la souveraineté (drapeaux, armes, sceaux, etc.) et aux enjeux concrets de la production bureaucratique (papier à en-tête, dépêches, journaux, etc.)

3. Les sources consulaires, des sources d’histoire économique : les sources consulaires, fortement mobilisées dans les années 1950 et 1960 dans le cadre d’études quantitatives des échanges commerciaux, sont actuellement revisitées par une nouvelle génération d’historiens et d’historiennes qui ont tiré les leçons du « tournant critique » et ont décidé de reprendre le fil des études macro-économiques qui avaient été délaissées à sa suite. Dans ce contexte, les sources statistiques collectées par les consuls, en dépit de leurs évidents biais, constituent un matériau tout à fait pertinent qui offre des éclairages importants à une échelle intermédiaire (la place, le port), située à équidistance des statistiques nationales (type « balance du commerce ») et des études micros focalisées sur des firmes ou des acteurs économiques.

4. Des sources pour écrire une histoire sociale de l’expatriation : la découverte progressive des vastes fonds d’archives consulaires rapatriés ouvre chaque jour de nouvelles perspectives tant leur richesse et leur diversité paraissent infinies. Registre d’immatriculation, recensement, actes de chancelleries, pétitions et réclamations diverses, correspondances avec les autorités locales des pays d’accueil ou avec les sous-réseaux d’agents consulaires constituent autant de gisements documentaires permettant d’approcher au plus près la réalité quotidienne, matérielle et sociale des séjours qu’effectuaient des ressortissants étrangers et des ressortissantes étrangères dans d’autres pays que leur État d’origine. Ils permettent aussi bien de nourrir des approches strictement quantitatives (recensement de populations expatriées) que des approches micro-historiques (inventaires post-mortem, contentieux devant des juridictions locales, gestion transnationale des patrimoines, etc.).

5. Des sources d’histoire globale : traditionnellement conçues et utilisées comme des sources documentant l’expansion européenne dans le monde, les sources consulaires commencent à être perçues sous un angle différent dans le contexte de l’essor récent des approches d’histoire globale et connectée. Du fait de leur homogénéité, elles permettent en effet de réaliser de véritables travaux d’histoire comparative entre différents postes consulaires considérés au sein d’un même réseau, ou entre les éclairages différents que sont susceptibles d’apporter les représentations consulaires de différents États implantées dans un même espace géographique. Plus stimulant encore s’annonce une exploitation plus systématique des sources consulaires émanant de réseaux consulaires déployés par des pays non-européens dans le monde (notamment à partir du xixe siècle). Cette documentation permet en effet de saisir, sur le vif, le regard des « non-Européens » sur l’Europe et d’autres parties du monde et sont ainsi susceptibles de constituer une formidable possibilité offerte aux historiens et aux historiennes souhaitant produire une « histoire à parts égales » du monde.

 

Organisation

L’école thématique est organisée par Arnaud Bartolomei (Université Côte d’Azur, CMMC), Mathieu Grenet (INU Champollion, FRAMESPA, membre junior IUF), Fabrice Jesné (Nantes Université, CRHIA) et Jörg Ulbert (Université Bretagne Sud, TEMOS), avec le soutien de leurs quatre laboratoires respectifs, de l’École française de Rome et de la Casa de Velázquez, de l’IUF et du Centre des Archives diplomatiques de Nantes.

Prise en charge financière des participants

L’organisation de l’école thématique prévoit de prendre en charge le logement des participants à Nantes pendant la durée de l’événement (nuits des lundi 3, mardi 4, mercredi 5 et jeudi 6 juin), ainsi que les déjeuners des mardi 4, du mercredi 5 et du jeudi 6 et le dîner du lundi 3.

Les frais de transport jusqu’à Nantes restent en revanche à la charge des participants (sauf cas particulier).

  

Conditions de soumission des propositions

Les propositions devront être soumises au comité d’organisation (mathieu.grenet@univ-jfc.fravant le 15 novembre 2023. Elles comprendront un bref CV (deux pages au maximum) et un résumé d’une page du travail de recherche en cours (mémoire de master, thèse ou projet post-doc).

Les propositions seront expertisées par le comité scientifique en novembre et décembre et une réponse sera apportée aux candidats au début du mois de janvier 2024.

En avril 2024, il sera demandé aux participants dont la candidature a été retenue de remettre au comité d’organisation de l’école une courte présentation de leurs travaux scientifiques, spécifiant leurs questionnements scientifiques, les sources mobilisées et les approches méthodologiques privilégiées, ainsi qu’un ou deux exemples de sources choisis dans leur documentation.

 

Déroulement des travaux

Les travaux de l’école thématique se dérouleront en français : une bonne compréhension passive du français est donc requise pour participer. Les présentations attendues des participants pourront cependant être faites en français ou en anglais.

L’école s’organisera autour de huit demi-journées destinées tantôt à des conférences présentées par les intervenants, tantôt à des ateliers mettant en activité les participants. 

Les conférences auront pour objectif une mise en perspective historiographique générale des thématiques ciblées par l’école thématique, la présentation de travaux empiriques récents fondés sur l’exploitation de sources consulaires et la présentation de différentes méthodologies permettant de valoriser les archives consulaires (approches d’histoire quantitative, approches micro-analytiques attentives à la matérialité des documents, approches institutionnelles visant à contextualiser le matériel archivistique et ses conditions de production et d’archivage).

Les ateliers seront basés sur les travaux des participants et seront animés par les intervenants invités par l’école thématique. À cet effet, il sera demandé aux participants de fournir une courte présentation de leurs travaux scientifiques, spécifiant leurs questionnements scientifiques, les sources mobilisées et les approches méthodologiques privilégiées, ainsi qu’un ou deux exemples de sources choisis dans leur documentation.

 

Comité scientifique

Marcella Aglietti (Università di Pisa)

Laurence Badel (Université Paris 1 – Panthéon-Sorbonne, SIRICE)

Arnaud Bartolomei (Université Côte d’Azur, CMMC)

María Dolores Elizalde (CSIC, Madrid)

Mathieu Grenet (INU Champollion, FRAMESPA)

Mehdi Jerad (Qatar University)

Fabrice Jesné (Nantes Université, CRHIA)

Xavier Huetz de Lemps (Université Côte d’Azur, CMMC)

Silvia Marzagalli (Université Côte d’Azur, CMMC)

Anne Mézin (Archives nationales, Paris)

Albane Pialoux (Sorbonne Université, CRM)

Éric Schnakenbourg (Nantes Université, CRHIA)

David Todd (Sciences Po Paris, CH)

Jörg Ulbert (Université Bretagne Sud, TEMOS)